APPEL PATRIOTIQUE AUX ÉDUCATEURS RELIGIEUX MUSULMANS

27 mai 2024 | 0 commentaires

Dans un pays où le peuple a consacré sa religiosité au travers du serment du Président de la République qui « jure devant Dieu et la Nation Sénégalaise », l’abandon de Dieu, a été identifié comme la cause centrale de l’ancrage et de la perpétuation de la crise morale  tridimensionnelle que traverse le pays et qui se manifeste par la commission volontaire de mauvaises œuvres par des croyants « égarés » par les passions l’ignorance, les  promesses mensongères du Paradis indépendamment du degré de piété ou par la vulgarisation imprudente de prières et d’invocations « effaceuses de péchés ».

Par ailleurs, en analysant les prêches d’Imams, les discours d’érudits et de conférenciers ainsi que toutes ces choses partagées entre musulmans dans les médias, nous nous sommes rendu compte que les péchés induits par les préjudices causés aux personnes morales (État, Organes employeurs et Communauté d’appartenance) ne sont quasiment pas évoqués et qu’il y aurait des prières et des invocations qui permettraient au musulman de recouvrer la pureté qu’il avait à sa naissance, de pouvoir bloquer le compteur de ses péchés à zéro pour tout le reste de sa vie, d’effacer ses péchés passés et futurs pour un nombre d’années supérieurs à celles qu’il lui reste logiquement à vivre ou tout simplement de rendre leur âme impure pour l’Enfer sans aucun lien avec le « repentir sincère ».

Dans le présent article, nous voulons rappeler les clauses du repentir (I.) ; insister sur la gravité des péchés contre l’État, personne morale (II.), et lancer un appel patriotique à tous les éducateurs (statutaires ou de fait) musulmans (III.) impliqués dans le partage de ces invocations et prières, afin qu’ils prennent conscience de leurs responsabilités et harmonisent leurs positions afin d’optimiser leur contribution au bon combat contre le fléchissement des valeurs morales.

I. LES CLAUSES DU REPENTIR

Très souvent, les vulgarisateurs des prières et invocations font appel à des hadiths tout en faisant abstraction des versets coraniques qui doivent incontestablement fonder toute réflexion sur le repentir, le pardon et la miséricorde d’Allah, et à l’aune desquels la pertinence et l’authenticité de tous les hadiths relatifs à l’effacement des péchés doivent être interprétés. Tout hadith qui n’admet pas une interprétation justifiant sa conformité avec les dispositions des versets coraniques sans équivoque1, doit être rejeté.

Ci-dessous quelques-uns de ces versets coraniques, où il est notamment indiqué, que Dieu ne pardonne pas le péché d’association (« shirk »), rejette la récidive et ne pardonne que les péchés commis par ignorance ou par erreur :

1. «Allah accueille seulement le repentir de ceux qui font le mal par ignorance et qui aussitôt se repentent. Voilà ceux de qui Allah accueille le repentir (…).  Certes Allah ne pardonne pas qu’on Lui donne quel qu’associé. A part cela, Il pardonne à qui Il veut. (…).  Certes, Allah ne pardonne pas qu’on Lui donne des associés. A part cela, Il pardonne à qui Il veut. Quiconque donne des associés à Allah s’égare, très loin dans l’égarement. » (S 4 V 17, 48, 116)

2.« (…) quiconque d’entre vous a fait un mal par ignorance, et ensuite s’est repenti et s’est réformé… Il est, alors, Pardonneur et Miséricordieux”. » (S 6 V 54)

3. « Puis ton Seigneur envers ceux qui ont commis le mal par ignorance, et se sont par la suite repentis et ont amélioré leur conduite, ton Seigneur, après cela est certes Pardonneur et Miséricordieux. » (S 16 V 119)

4. « (…). Nul blâme sur vous pour faites ce que vous faites par erreur, mais vous serez blâmés pour ce que vos cœurs font délibérément. (…).» (S 33 V 5)

5. « “Si vous faites le bien, vous le faites à vous-mêmes ; et si vous faites le mal, vous le faites à vous [aussi]”. (…). Il se peut que votre Seigneur vous fasse miséricorde. Mais si vous récidivez, Nous récidiverons. Et Nous avons assigné l’Enfer comme camp de détention aux infidèles. » (S 17 V 7, 8)

Les principales clauses du repentir données de manière explicite par les vers 15 à 29 de la partie « le Joyau précieux » (pages 103 et 105) du « Recueil de poèmes en sciences religieuses » du vénéré Cheikh Ahmadou Bamba, le serviteur du Prophète (PSL), Fondateur du Mouridisme peuvent être ainsi présentées :  Regretter ses fautes précédentes ; Ne jamais retarder le repentir, ni le remettre ; Prendre la résolution, pour le reste de sa vie, de ne jamais récidiver ; Réparer l’ensemble des injustices commises auprès des victimes (réparer les dommages matériels et/ou se décharger du dommage moral).

A propos de la « clause de réparation », un hadith rapporté par Boukhari indique que le Prophète (PSL) a dit : « Quiconque aurait commis une injustice envers son frère, touchant sa dignité ou toute autre chose, qu’il s’en acquitte dès maintenant avant que ne survienne un jour où le Dinar et le Dirham ne sont plus monnaie payante. Si l’offenseur a de bonnes œuvres, il en sera prélevé une valeur équivalente à l’offense qui sera attribuée à l’offensé. Si l’offenseur est démuni des bonnes œuvres, une fraction des péchés de l’offensé, égale à la valeur de l’injustice dont il était victime, sera portée à l’actif de l’offenseur ».

La gravité des péchés liés aux dommages causés à l’État, personne morale, délégataire du peuple souverain, apparait ainsi très clairement dans la mesure où, il sera toujours très difficile de satisfaire « la clause de réparation », du fait de la pluralité des victimes collatérales.

II. GRAVITÉ DU PÉCHÉ LIÉ AUX DOMMAGES CAUSÉS À L’ÉTAT, PERSONNE MORALE

En tournant notre esprit, sans entrave, vers le bien, nous avons retenu que le jour du « Jugement Dernier », l’État, personne morale et les victimes collatérales des indélicatesses commises par ses serviteurs vont se présenter comme accusateurs demandant réparation des torts subis. Dieu ne pardonnant pas directement les péchés commis contre les tiers, nous sommes convaincu qu’Il n’effacera pas les péchés commis contre l’État, personne morale, en l’absence de tout « repentir sincère » comprenant évidemment « la clause de réparation » prévue pour les personnes physiques. Sachant que Dieu s’est interdit toute injustice, aucun érudit musulman ne pourra nous convaincre du contraire.

Alors, le simple fait d’imaginer dans quelle situation seront, le « Jour de la Rétribution », les nombreux criminels à col blanc qui, dans leur vie éphémère sur terre, ont été « égarés » face à leurs multiples accusateurs (État et victimes collatérales de leurs méfaits) qui vont leur demander réparation des dommages matériels et immatériels qu’ils leur ont causés, nous remplit d’effroi, surtout s’ils ont pu échapper injustement à la Justice des Hommes.

Nous sommes convaincu que pour éviter que de nombreux musulmans soient contraints d’accompagner Satan en Enfer, il est hautement souhaitable que les érudits se prononcent clairement sur cette « notion de péché lié aux dommages causés à l’État, personne morale et sur les droits des victimes collatérales, et fassent des recommandations pour inciter au « repentir sincère » tous ceux qui ont été déjà impliqués dans les atteintes à la sacralité des ressources et du patrimoine immatériel (paix, unité, cohésion sociale) de l’État, délégataire du peuples souverain et avertir tous ceux qui interagissent avec l’État.

III.    APPEL AUX ÉRUDITS ET GUIDES RELIGIEUX MUSULMANS

En ne mettant pas suffisamment l’accent sur ce que nous avons appelé la « science des préalables » des éducateurs musulmans (statutaires ou de fait) intervenant dans les médias et les réseaux sociaux, poussent indirectement les « faibles d’esprit », les musulmans qui ont l’esprit tourné vers le mal, ceux qui sont partisans du moindre effort dans le respect des prescriptions divines et les « ignorants» à se complaire dans une médiocre adoration et à évoluer dans des récidives incessantes, pensant qu’ils détiennent le secret leur permettant d’effacer tous les jours leurs péchés sans aucun lien avec le « repentir sincère ».

Ces musulmans « égarés » ont besoin d’être conscientisés sur le lien irréfutable qu’il y a entre « le pardon des péchés » et « le repentir sincère », qui est même indispensable pour les péchés mineurs pouvant être commis involontairement par l’Homme, naturellement imparfait. D’ailleurs, c’est très probablement pour montrer aux croyants l’importance du repentir que le modèle parfait des musulmans se repentait si intensément, comme cela ressort du hadith 2071 / S.B 6307 qui nous apprend que le Prophète Muhammad (PSL) « implorait le pardon de Dieu et se tournait vers Lui en se repentant plus de soixante-dix fois par jour »2.

Nous sommes convaincu que la propagation de ces prières et invocations « dévoreuses de péchés » sans une claire évocation des conditions de leur éventuelle acceptation par le « Miséricordieux-Pardonneur » mais aussi le « Dur en punition » est pour quelque chose dans le « je-m’en-foutisme » de certains musulmans, principalement parmi les gouvernants, hauts commis de l’État et les « faux chefs religieux » et dans l’insouciance ambiante par rapport à l’étendue (gravité et nombre) des péchés qui sont quotidiennement commis dans notre pays par ces leaders.

Pourtant, les égoïstes satisfactions éphémères, que des croyants tirent de leur méconduite, dans les luttes malsaines pour les places, les privilèges et le pouvoir, dans les enrichissements illicites au détriment de l’État et des concitoyens, dans les belles acquisitions mobilières et immobilières et dans les jouissances liées au sexe, à la surconsommation et au luxe, ne valent pas le risque « d’encourir la colère de Dieu » et de faire partie de ceux qui accompagneront le « diable banni » en Enfer après avoir suscité la haine de leurs concitoyens dont les souffrances sont en grande partie imputable au fait qu’ils aient, par leur «  sous-développement mental » trahi leur  devoir de servir patriotiquement l’État délégataire du peuple.

Dans le contexte d’une « indispensable refondation morale » que vit notre pays, les vrais éducateurs religieux doivent mettre l’accent sur les paroles qui dissuadent, qui conscientisent, qui montrent que l’adoration de Dieu, qui doit être effective dans toutes les œuvres humaines (politiques, religieuses ou autres), n’est pas un jeu. Ils doivent faire comprendre aux croyants « égarés » qu’au vu de la gravité des châtiments prévus formellement dans le Coran contre les transgresseurs, le jeu n’en vaut pas la chandelle.

Dans un pays où la lutte contre la crise morale doit donc être érigée en une sur-priorité, les sénégalais gagneraient à se prémunir contre cette « attente abusive de la miséricorde divine »3 et devraient rivaliser dans l’accomplissement des bonnes œuvres qui, sans aucun doute, seront plus déterminantes quand l’Heure du « Jugement Dernier » arrivera. Aussi, les guides religieux, les érudits, les prêcheurs et les autres acteurs d’éducation religieuse, qui aiment vraiment leur pays et se soucient des générations futures, devraient se pencher sur cette « science des préalables » en vue de s’accorder sur les conditions d’acceptation éventuelle par Dieu des invocations et des prières surérogatoires et de pouvoir tenir aux fidèles un langage harmonisé dans lequel il n’y aura plus de doute sur la primauté des efforts individuels et du « repentir sincère ». Un langage qui pourra aider à la transformation des cœurs et des esprits afin que les rapports interpersonnels et les rapports entre les Hommes et les personnes morales (État, Organes employeurs, Communautés d’appartenance) soient fondés sur l’amour, la vérité, la justice et l’équité.

Ces éducateurs musulmans (statutaires) doivent conséquemment lutter contre la vulgarisation d’invocations et de prières sans précision des préalables à leur éventuelle acceptation et contre la diffusion d’informations contraires aux prescriptions coraniques qui égarent ou qui, mal exploitées, conduisent au « libertinage religieux » et à une surabondance des péchés qui peuvent attirer sur le pays une sanction divine, comme cela a été très probablement le cas avec le naufrage du bateau le Joola.

Au titre des recommandations à faire aux coupables qui, depuis l’indépendance se sont enrichis illicitement ou abusivement au détriment de l’État et du peuple à qui appartient les ressources spoliées, il s’agirait de leur indiquer comment ils doivent « se repentir sincèrement » et les actions de réparation qu’ils pourraient donc engager sans délai pour espérer obtenir le pardon des victimes collatérales de leurs méfaits.

En attendant l’intervention de ces éducateurs qui devraient conscientiser tous ceux qui se sont enrichis illicitement au détriment de l’État, nous invitons chacun des citoyens sénégalais à se soumettre à un exercice d’autoévaluation, afin de pouvoir : identifier honnêtement les dommages qu’il a eu à causer à l’État aux travers d’acquisitions illicites, indues, injustes ou provenant de magouilles ou de combines, afin de pouvoir  se lancer dans des actions de « repentance sincère » et s’engager irréversiblement dans un combat contre lui-même pour acquérir la « sagesse totale » qui est le produit de la « science du bien et du mal » et de la « volonté de toujours bien se conduire ».

NOTE

1 :  Il y a aussi les versets coraniques suivants qui peuvent être avantageusement consultés : S 2 V 275 ; S 3 V 133, 135, 136, 193 ; S 4 V 110 ; S 5 V 95 ; S 8 V 38 ; S 9 V 102 ; S 11 V 114 ; S 17 V 25 ; S 25 V 70, 71 ; S 28 V 67 ; S 39 V 53 et S 66 V 8.

2: Hadith tiré du livre de l’Imam Zein ed-Din Ahmad Ibn Abdellatif Azzubaidi. « Abrégé de SAHIH AL-BUKHARI, At-Tajrîd as Sarîh ». Arabe – Français. Traduit de l’arabe par Dr Diah Saba Jazzar sont numérotés sous la forme (Hadith x / S.B. y), « x » étant le numéro du hadith dans ledit livre et « y » le numéro du hadith dans le Sahih al-Bukhari.

3 : Cette problématique de l’abusive espérance de la miséricorde divine a été traitée dans notre « Livre 3 sur la crise morale au Sénégal », bâti autour d’une « Lettre ouverte aux Guide religieux », publié par l’Harmattan, le 25.08.2023.

Article à voir à l’adresse https://www.jogngirsenegal.sn

M. Tabasky Diouf, Colonel de Gendarmerie (retraité)

Grand officier dans l’ordre national du lion et Commandeur dans l’ordre du mérite

Membre fondateur de l’Initiative « Jog Ngir Senegaal »

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