Réponse à Jean-Christophe Rufin : la politique sénégalaise ne se joue plus dans les salons parisiens

23 septembre 2024 | 0 commentaires

Il est toujours surprenant de voir des personnages comme Jean-Christophe Rufin, vestige d’une Françafrique en déclin, s’essayer à l’analyse politique d’un Sénégal dont ils ne comprennent plus la dynamique, et en ont même oublié l’âme. Dans son article publié le 22 septembre 2024 dans Le Parisien, Rufin s’aventure une fois de plus dans des terrains qui lui échappent en tentant d’invoquer une comparaison bancale entre la dissolution de l’Assemblée nationale au Sénégal et celle en France. Il faudrait lui rappeler que les contextes sont diamétralement opposés, mais aussi que le Sénégal, loin d’être une république bananière sous le controle de la Francafrique, dispose d’institutions solides et d’une tradition démocratique dont il ferait bien de s’inspirer.

L’argument de Rufin, qualifiant le Premier ministre sénégalais Ousmane Sonko de populiste, n’est qu’une tentative grossière de délégitimer un régime qui jouit d’un large soutien populaire. Il semble que la ferveur démocratique et le dynamisme de la jeunesse sénégalaise, qui se mobilise autour de ce duo Diomaye-Sonko, échappent totalement à l’ancien ambassadeur. Peut-être, est-il encore resté dans cette bulle aux senteurs de champagne où les relations franco-africaines ne se jouaient qu’entre élites bien placées, soigneusement protégées des réalités du terrain.

Dans mon article publié récemment dans Le Dakarois (https://ledakarois.sn/pour-la-stabilite-economique-majorite-a-diomaye-sonko/), j’ai souligné que la dissolution de l’Assemblée nationale sénégalaise n’était pas une action précipitée ou déstabilisante, mais plutôt un mécanisme nécessaire pour renforcer la stabilité économique et politique du pays. Contrairement aux élucubrations de Rufin, cette décision s’inscrit dans un processus démocratique visant à obtenir une majorité parlementaire pour le gouvernement Diomaye-Sonko, afin de mettre en œuvre des réformes vitales. Ces réformes ne sont pas, comme le prétend Rufin, dirigées contre la France ou l’Occident, mais bien pour répondre aux aspirations du peuple sénégalais : rétablir la confiance, encourager l’investissement, et assurer une croissance durable.

Rufin, dans son habituel rôle de diplomate déconnecté des réalités locales, insinue que ces réformes mèneraient à une hostilité envers la France. Quelle ironie ! Si seulement Rufin et ses semblables avaient pris le temps de s’intéresser réellement aux aspirations des peuples africains, ils comprendraient que ce qui est en jeu, ce n’est pas l’hostilité envers un pays, mais la volonté d’un peuple de reprendre en main son destin. Le Sénégal n’a jamais cherché à se couper de la France. Mais cette France que Rufin incarne, qui se complaît dans un passé paternaliste, doit accepter que l’Afrique avance et évolue.

Rufin, avec ce ton nostalgique et désuet, semble regretter les jours où quelques élites pouvaient décider de l’avenir des pays africains dans les salons feutrés de Paris. Mais ces jours sont révolus, M. Rufin. Le peuple sénégalais a parlé, et il continuera de parler à travers les urnes, à travers les institutions qu’il a bâties avec rigueur et dévouement. Votre commentaire sur la dissolution de l’Assemblée, la comparant aux situations du Mali, du Niger ou du Burkina Faso, est non seulement infondé, mais irresponsable. Vous faites preuve d’une « glissade » – pour reprendre vos termes – dangereuse, en essayant de faire croire que le Sénégal pourrait tomber dans le chaos. Mais ce n’est pas parce que vos amis politiques ont échoué à conserver le pouvoir que vous devez souhaiter au Sénégal le pire des scénarios.

Ce n’est pas non plus parce que Diomaye et Sonko comptent réformer le pays que ces réformes seront anti-françaises. Cela reflète simplement une ignorance des enjeux et une incapacité à analyser la réalité. Si Rufin souhaite vraiment influencer la politique sénégalaise, qu’il vienne sur le terrain, qu’il prenne la nationalité sénégalaise et qu’il s’engage dans un débat ouvert et démocratique, au lieu de pontifier depuis Paris.

La politique étrangère française vis-à-vis de l’Afrique, telle que l’incarne Rufin, doit absolument changer de paradigme. Nous ne sommes plus dans une ère où les nations africaines peuvent être traitées comme des vassales. Il est temps d’abandonner cette vieille stratégie de la Françafrique, qui ne fait qu’engendrer méfiance et ressentiment. Les nouvelles élites africaines, dont Diomaye et Sonko sont des symboles, cherchent avant tout à construire des relations basées sur le respect mutuel et la coopération, et non sur la domination et le mépris.

M. Rufin, vos glissades diplomatiques vous ont déjà coûté cher lors de votre séjour au Sénégal en tant qu’ambassadeur. Plutôt que de continuer à trébucher dans l’arène politique, prenez le temps de réévaluer votre lecture de la situation. Le Sénégal n’est pas une victime en attente de sauvetage, ni une simple extension de la politique française en Afrique. C’est un pays souverain, avec une démocratie vibrante, des institutions solides, et des leaders qui ont la légitimité du peuple.

En somme, si vous souhaitez vraiment aider le Sénégal, M. Rufin, arrêtez d’agiter des peurs infondées, de faire des comparaisons absurdes et de diaboliser ceux que vous ne comprenez pas. Acceptez que le Sénégal, et l’Afrique dans son ensemble, méritent mieux qu’un discours paternaliste et condescendant. Et surtout, acceptez que le temps de la Françafrique est bel et bien révolu.

Dr. Abdourahmane Ba
Ingénieur Statisticien et Docteur en Management
Président du mouvement Bâtir l’Avenir pour un Téranga Inclusif (BATIR)

0 commentaires

Soumettre un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *