La crise morale est une crise de leadership

15 décembre 2023 | 0 commentaires

Notre pays vit une crise morale tridimensionnelle qui a traversé les âges en s’approfondissant malgré les actes positifs isolés qui ont été posés surtout par des guides religieux, des Organisations et des citoyens qui luttent pour la défense des « valeurs culturelles fondamentales qui constituent le ciment de l’unité nationale ».

Cet article a pour but de présenter cette crise morale dans ses trois composantes (I.) ; de mettre en exergue des faits qui prouvent que cette crise morale est une crise de leadership (II.) et d’évoquer brièvement le caractère indispensable de la mise en place d’une « Stratégie nationale » seule capable de sortir le pays de ce fléau (III.) qui constitue un obstacle au développement personnel de nombreux citoyens et un frein à la vitesse d’acquisition par l’État d’une capacité à satisfaire en toute équité et justice les besoins socioéconomiques et sécuritaires primaires de toutes les populations, et de s’engager résolution dans la construction du « Meilleur Sénégal Possible » pour les générations futures.

I.         EFFECTIVITE D’UNE CRISE MORALE TRIDIMENSIONNELLE

Le premier volet de cette crise morale tridimensionnelle est une crise morale au sein de la communauté musulmane, matérialisée par de nombreuses atteintes à la pureté du dogme islamique par des musulmans marchant en dehors du « droit chemin » et qui met en cause de nombreux guides religieux. El Hadji Malick Sy (rta) a écrit un ouvrage « Kifaayatu ar-Raa’hibiin » en 1920 pour lutter contre ce fléau et Ahmadou Bamba Mbacké (rta) a produit, certainement dans la même période, un «Traité de soufisme Massàlik al Jinàn Les Itinéraires du Paradis » qu’il a présenté comme un ouvrage capable de guérir « les spirituellement malades » parmi lesquels il y avait certainement les « faux chefs religieux » qu’il a évoqués dans les vers 1432 à 1459 de cet ouvrage.

Le deuxième volet est la mal gouvernance marquée principalement par de graves atteintes aux règles et principes de l’État de droit, des droits de l’homme, de la démocratie, de la bonne gouvernance et de la transparence dans la gestion des affaires publiques. Des témoignages d’acteurs et de témoins de l’histoire tels que le Président Mamadou Dia dans son livre «Afrique le prix de la liberté », le Président Moustapha Niasse, le 5 mai 2013 lors de la Conférence inaugurale sous le thème de «l’Ethique dans la gouvernance institutionnelle: l’exemple du Parrain, Léopold Sédar Senghor» qu’il avait prononcée à l’occasion du Lancement de l’Institut d’Etudes Politiques Léopold Sédar Senghor, et feu le Juge Kéba Mbaye dans la leçon inaugurale qu’il avait donnée à l’Université Cheikh Anta Diop le 14 décembre 2005 sur « l’éthique aujourd’hui », permettent d’affirmer que ce système de mal gouvernance est consubstantielle à la crise politique du 17 décembre 1962.

Le troisième volet est la corruption des rapports sociaux par des vices comme la déification de l’argent et du pouvoir, le mensonge, l’hypocrisie, l’injustice et l’iniquité, ainsi que la méchanceté, la jalousie et l’envie qui sont opérationnalisées par des actes maléfiques comme les maraboutages. Cette corruption des rapports sociaux qui remet en cause la véracité de la foi d’un nombre trop élevé de musulmans, chrétiens et animistes nourrissant ces vices, est une résultante des deux premiers volets de la crise morale, simplement parce qu’un nombre trop élevé de leaders temporels, religieux et familiaux qui devaient être de bons exemples, alimentent allègrement beaucoup de ces vices dans la gestion des affaires publiques, dans le jeu politique et dans leur vie en tant que guides religieux.

Les deux derniers volets  de cette crise morale ont été évoqués notamment : Par le Juge Kéba Mbaye, dans sa leçon inaugurale susmentionnée où il avait noté «la fuite en avant … vers un monde sans éthique…dans lequel la conduite des hommes … est guidée par l’argent, le pouvoir, la force et la « place » » ; Par la Commission nationale de réforme des institutions, dans son rapport de décembre 2013 où des recommandations pour « la protection et la promotion des valeurs positives de notre société » et « la promotion de la bonne gouvernance, de la transparence et de l’éthique dans la gestion des affaires publiques ainsi que la culture de l’imputabilité » ont été formulées ; Par l’actuel Président de la République, dans son discours d’investiture du 10 décembre 2011 pour l’élection présidentielle de 2012 où il avait affirmé qu’«A la crise économique et sociale viennent s’ajouter une crise politique et une crise morale majeure. La volonté de violer la Constitution, la centralisation excessive des pouvoirs, la gabegie et la corruption en sont les expressions les plus visibles. Les scandales sont quotidiens. Les valeurs fondamentales de la République sont fortement menacées alors que la cohésion sociale est fragilisée. (…). ».

Par ailleurs, Monseigneur Benjamin Ndiaye, Archevêque de Dakar avait, le 21 mai 2018, dans son allocution lors du pèlerinage de Popenguine éloquemment affirmé : « senegaal moo guena aay ci musante (…) dekumuusante du dem fen » qui pourrait être traduit par : « les sénégalais excellent dans la tromperie (…) Un pays englué dans la supercherie ne peut pas avancer ». Il s’était aussi demandé « comment ne pas se désoler de ce que, le terrain politique, au lieu d’être le lieu de croissance positive d’une Nation, le terrain de débat opportun, vrai, pertinent et civilisé, devient de plus en plus dans notre pays, un champ de bataille, un terrain de lutte pour des intérêts partisans ?»

En définitive, parce que beaucoup de comportements que les leaders sénégalais, qui ont la lourde charge de gouverner, diriger, commander ou guider leurs semblables ont eus ou ont, d’actes qu’ils ont posés ou posent, de propos qu’ils ont tenus ou tiennent, sont aux antipodes du patriotisme, de la pureté des dogmes islamique ou chrétien et des « valeurs culturelles fondamentales qui constituent le ciment de l’unité national» du peuple sénégalais, et sont contraires aux exigences des principes d’amour, de vérité, de justice, d’équité et d’exemplarité, ils ont collectivement, corrompu les rapports sociaux, encouragé l’incivisme, égaré leurs disciples (« talibés» en wolof), optimisé les frustrations, porté atteinte à la paix, au bon ordre public et à la crédibilité de l’État qui n’a pu, ni garantir un fonctionnement toujours orthodoxe de ses organes dépositaires de la force (Justice, Forces de Police, Administration territoriale) qui lui est délégué par le peuple, ni élucider un nombre trop élevé d’affaires criminelles nébuleuses. La crise morale est donc une crise de leadership.

II.        LA CRISE MORALE EST UNE CRISE DE LEADERSHIP

La crise morale est une crise de leadership, car, il est évident que si tous les leaders temporels, religieux et coutumiers qui ont des citoyens sous leur autorité étaient des patriotes, vertueux, intègres et exemplaires, fondant l’exercice de leur autorité sur la vérité, la justice, l’équité et l’amour des autres et de la patrie, acceptant de manière inconditionnelle la primauté des intérêts de l’État, de l’Organe employeur qu’ils ont l’honneur de servir et de leur Communauté d’appartenance, alors ils allaient constamment donner, par leur manière d’être et de faire, une bonne «éducation morale ou éducation civique pratique» à ceux qui sont sous leur autorité, et feraient d’eux de bons citoyens, qui s’interdiraient la commission délibérée des mauvaises œuvres qui sont les expressions de la crise morale.

La crise morale est une crise de leadership, parce que le Président de la République actuel, le premier des leaders, qui doit donner le bon exemple n’a pas eu la personnalité qu’il faut pour être le plus ardent des défenseurs de l’égalité devant la loi de tous citoyens, de leur égal accès aux services public et de la sacralité des ressources appartenant au peuple. Il en a incontestablement donné la preuve par le verbe et l’action. Par l’action en protégeant tous ceux de son camp qui ont été épinglés par les Corps de contrôle, comme l’OFNAC et la Cour des comptes, depuis 2012 malgré le nombre impressionnant de dossiers transmis au Procureur de la République par lesdits Organes. Par le verbe au travers de sa réponse à une question du journaliste français Vincent Hervouet, dans une interview parue au Journal « Pouvoir d’Afrique » (Nov., Dec. 2014 Janv. 2015).

Ci-dessous, la transcription in extenso de la question du journaliste et de la réponse du Président de la République :

« Question :    A l’inverse, la faute pour laquelle vous avez de l’indulgence ?»

« Réponse :     Je peux pardonner la faiblesse de ceux à qui il arrive de profiter des situations. Leur cupidité ou leur incapacité à résister à la tentation les amène à mentir et à trahir la confiance. Cela, je peux le pardonner … »

Il est évident qu’un Président de la République ne peut pas, vouloir lutter contre une «crise morale, économique et sociale» ayant « la gabegie et la corruption » comme« expressions les plus visibles », tenir à la «sacralité des biens publics » et à une « gestion sobre et vertueuse » et faire preuve d’une indulgence excessive au bénéfice de « faibles », de « cupides », de «menteurs », de ceux « qui profitent des situations » et de ceux « qui trahissent la confiance », et qui en vérité, ne sont rien d’autres que des intempérants, des antipatriotes ou des traitres aux intérêts de l’État.

Il est aussi évident qu’un Président de la République qui ne soutient pas de manière indéfectible les Corps de contrôle et la Justice, pour une fermeté dans la sanction des crimes économiques, ne peut pas lutter efficacement contre les accaparements et le vol sous toutes ses formes. Le Général de Gaulle, un patriote avéré, qui a joué un rôle important pour la grandeur de la France, avait bien raison de dire que « Le problème des dirigeants africains c’est qu’ils n’aiment pas leurs pays» et que «Les grands pays le sont pour l’avoir voulu»; que «l’ambition individuelle est une passion enfantine» et que «les hommes peuvent avoir des amis, pas les hommes d’État», car pour lui la défense des intérêts de l’État doit être au-dessus des liens amicaux, politiques et familiaux.

La crise morale est une crise de leadership, parce que le Chef de l’État n’a pas mis en œuvre « les bonnes, belles et justes paroles » qu’il avait prononcées entre 2012 et 2013 relatives notamment à la rupture éthique dans le mode de gouvernance des affaires publiques. C’est ainsi, que contrairement à des promesses faites et des engagements pris, il n’a pas mis fin à l’agencialisation qu’il avait fustigée ; il n’a pas réduit convenablement le train de vie de l’État en ne limitant pas la taille du gouvernement à 25 ministres et en maintenant inutilement des Institutions budgétivore ; il a fait arrêter la traque des biens mal acquis; il n’a pas lutté efficacement contre, la corruption, la drogue, la fausse monnaie et le trafic de médicaments ; il a neutralisé politiquement les Corps de contrôle comme l’OFNAC ainsi que le Procureur de la République, induisant ainsi une abusive impunité sélective qui, constitue une entrave à l’égalité devant la loi de tous les citoyens et un facteur de désordre du fait des injustices qu’elle charrie et représente un clair encouragement de la poursuite de gestions non sobres et non vertueuses.

La crise morale est une crise de leadership, parce qu’en cherchant systématiquement à «réduire l’opposition », constitutionnellement reconnue, « à sa plus simple expression », en ayant fait éliminer des candidats à l’élection présidentielle de 2019 au travers d’actions judiciaires ou d’un parrainage abusif et en essayant d’en éliminer d’autres pour celle de 2024 par des manœuvres politico-judiciaires anti-démocratiques, le Chef de l’État a contribué au renforcement de la corruption du jeu politique et posé des actes injustes qui, en induisant tout naturellement la réaction ou la résistance des victimes, troublent la paix, l’ordre public et la cohésion sociale. Quelqu’un a d’ailleurs très justement affirmé qu’il ne peut y avoir de paix sans la justice et un autre a éloquemment dit qu’au lieu de réclamer la paix, il faut se battre pour la justice et l’égalité des droits, car c’est d’elles qu’émanent la paix, la cohésion sociale et le bon ordre public.

La crise morale est une crise de leadership, parce que dans un pays pauvre où il y a des familles qui peinent à se procurer un bon repas par jour, le Chef de l’État et les responsables des autres Institutions disposent de « fonds spéciaux » trop importants, qui finalement servent principalement à leur enrichissement personnel, au fonctionnement de partis politiques de la mouvance présidentielle, à l’entretien d’une clientèle politique et à une vie ostentatoire dans le luxe, la surconsommation et le gaspillage, alors que depuis 2016 rien n’est fait pour légiférer au sujet du financement des partis politiques prévu par la Constitution (article 4 / loi no2016-10 du 05 avril 2016).

La crise morale est une crise de leadership parce que l’écrasante majorité des nombreuses expressions de la crise morale, les scandales et les affaires nébuleuses sont imputables à des leaders au service de l’État, soit parce qu’ils sont les auteurs, soit parce que leur responsabilité est engagée du fait d’insuffisances dans la surveillance et le contrôle qui leur incombe et qui devraient leur permettre de prévenir toutes les malversations et de sanctionner négativement ou de faire punir sans faiblesse tous les coupables à la mesure de la gravité des fautes commises.

La crise morale est une crise de leadership, parce que si tous les khalifes généraux des confréries, khalifes des familles et les autres guides religieux s’étaient ancrés dans le chemin qu’avaient choisi les saints fondateurs de l’église sénégalaise, des confréries et des familles religieuses et qui était, selon feu le juge Kéba Mbaye, celui « de la foi, de la dignité, de l’honneur, du courage, de l’honnêteté, de l’humilité, de la tempérance, de la droiture, du respect d’autrui et du bien commun, du travail, de l’endurance et de l’amour de la nation », ils exerceraient pleinement leur devoir de protéger les fidèles contre l’égarement, en combattant ouvertement ces « faux chefs religieux » qui ont été déjà évoqués par le vénéré Cheikh Ahmadou Bamba (rta) et qui sont en fait des « spirituellement malades » qui exploitent leurs disciples pour pouvoir vivre dans le luxe, la surconsommation et l’ostentation.

La crise morale est une crise de leadership, car si tous les khalifes exerçaient pleinement leur devoir de protéger la «Parole de Dieu» comme le faisait le Prophète Muhammad (PSL), ils allaient toujours agir contre les «faux chefs religieux» et les conférenciers outrageusement zélés qui, vivant de la religion, n’hésitent pas à tenir des propos qui, au-delà des outrages faits à Dieu, au Prophète et au Coran, égarent les disciples, les détournent de la vraie soumission exclusive à Dieu ou sont destructrices de la cohésion au sein de la communauté musulmane.

La crise morale est une crise de leadership, parce que des guides religieux se sont dépouillés de leur liberté de parole pour défendre la vérité, la justice, l’équité et le patriotisme dans la gouvernance des affaires publiques, pensant à tort qu’ils devaient adopter une attitude faite de mutisme, de remerciements ou de soutien inconditionnel au Chef de l’État et à son gouvernement, pour des sommes d’argent reçues ou des travaux effectués dans les villes saintes, alors qu’en agissant au nom de l’État, ces derniers n’ont aucun mérite personnel. Ce qu’ils utilisent pour les satisfaire appartient à tous les sénégalais, y compris aux citoyens les plus démunis vivant dans le village le plus reculé du Sénégal dépourvu d’électricité et d’eau courante. D’ailleurs, aucun service étatique reçu ne doit pouvoir corrompre un guide religieux doté d’une foi véridique ; rien ne doit être pour lui un obstacle à la défense de la vérité et de la justice.

La crise morale est une crise de leadership, parce que des guides religieux respectables, respectés et dont la parole compte, ne respectent pas de manière invariable les cinq (5) obligations suivantes : « Ordonner le convenable et interdire le blâmable » (1) ; « Rejeter toute alliance avec les transgresseurs » (2) qui délibérément enfreignent les prescriptions coraniques; «Combattre dans le Sentier d’Allah pour la victoire du bien sur le mal» (3) en recommandant le convenable et condamnant le blâmable notamment dans la gestion des affaires publiques qui impacte la vie des croyant; « Faire preuve de justice, d’équité, d’amour et de tempérance dans la captation des ressources de l’État » (4) afin de ne pas être les complices du mépris des besoins des plus nécessiteux (sans eau courante, sans électricité avec des problèmes de subsistances) et de la non-optimisation du soutien qui doit être apporté aux écoles confessionnelles qui participent à l’éducation des sénégalais, et « Lutter pour que les croyants deviennent meilleurs et que la Parole de Dieu, qui est vérité, amour, justice et équité prévale » (5) dans tous les aspects de la vie des croyants (actions, paroles et intentions).

La crise morale est une crise de leadership, parce que dans un pays avec une population composée en totalité de croyants (musulmans, chrétiens et adeptes de la religion «négro-africaine»), les gouvernants, qui se sont succédé depuis la crise politique du 17 décembre 1962, n’ont pas pu instituer, pour tous les cycles d’enseignement de l’éducation nationale, « la meilleure éducation sociale, morale et civique possible », en prenant en compte comme adjuvant les prescriptions coraniques et bibliques d’ordre éthique et les «valeurs culturelles fondamentales» non antinomiques avec les lois et règlements de la République laïque, en vue de cultiver chez les jeunes sénégalais l’amour des vertus et qualités chères au peuple sénégalais et la haine des vices et défauts qui leur sont contraires. Ils n’ont pas pu aussi, au travers de l’exemplarité de leur conduite, en public et en privé, dispenser la meilleure éducation (sociale, morale et civique) pratique possible à ceux qui sont sous leur autorité et qui ont naturellement tendance à les imiter, à reproduire à leur niveau, leur mauvaise manière d’être et de faire.

Cette responsabilité des leaders est d’autant plus évidente qu’ils ont fait preuve d’une inertie évidente dans la lutte contre ce fléau que constitue la crise morale, en totale opposition avec les propos hautement patriotique du vénéré maître El Hadji Omar Tall (rta) qui, en disant « Puissent-ils périr, les dirigeants d’un pays qui ne s’emploieraient pas à changer la conduite de leur peuple » interpellent tous les leaders temporels et religieux qui sont les principaux responsables de la santé morale des populations et qui ont donc « l’obligation d’AGIR » pour mettre fin, aux mauvaises manières d’être et de faire, constatées dans la vie de ceux qui sont sous leur autorité.

Malgré cette obligation des dirigeants, la crise morale s’est perpétuée principalement parce que du fait de leur leadership déficient, les autorités, notamment ceux au service de l’État, ont totalement anéanti leur aptitude à corriger la mauvaise conduite du peuple sénégalais, perpétuant ainsi la crise morale dont les autres principales causes sont le déficit de patriotisme et une éducation morale ou civique inadéquate. Mais pour un peuple de croyants, dont la religiosité est constitutionnellement consacrée par la prestation de serment du Président de la République qui « jure devant Dieu et la Nation sénégalaise », la cause centrale à laquelle toutes les autres causes peuvent être ramenés est « l’abandon de Dieu », entendu comme le fait pour un croyant de commettre sciemment une œuvre (acte et parole) interdite par le Créateur. C’est pourquoi le retour vers Dieu est l’unique solution de sortie du pays de la crise morale. La question qui se pose dès lors est de savoir quel est le processus par lequel ce retour vers Dieu apte à éradiquer la crise morale dans ces trois composantes va être concrétisé ?

III.    IMPÉRATIF DU DÉVELOPPEMENT D’UNE « STRATÉGIE NATIONALE DE SORTIE DE LA CRISE MORALE »

Malgré les bonnes actions posées par les vénérées Elhadji Malick SY (rta) et Cheikh Ahmadou Bamba, Khadimou Rassoul (rta) au travers de leurs ouvrages susmentionnés, ainsi que les efforts accomplis par les autres fondateurs de confréries et de familles religieuses, par l’Eglise sénégalaise et par des contemporains défenseurs des valeurs morales, la crise morale n’a pas été éradiquée. Au contraire, elle s’est perpétuée en s’approfondissant avec des conséquences, chaque jour, plus dangereuses pour la paix, la cohésion sociale et le bon ordre, ou plus dommageables pour le bon devenir du pays, les développements personnels des citoyens et le bonheur des populations.

C’est pourquoi nous sommes convaincu que seule une « dynamique nationale » au travers d’une « Stratégie nationale de sortie de la crise morale » qui bénéficierait des moyens financiers de l’État, premier responsable de la santé morale des sénégalais, impliquerait tous les acteurs dans une union des cœurs et des esprits et prévoirait des moyens de coordination, de suivi, d’évaluation et de réajustement vers des objectifs clairement et inclusivement définis, pourrait permettre d’obtenir le dépérissement des expressions de la crise morale et un retour vers Dieu qui mettrait fin à toutes les inquiétudes et écarterait de notre pays toute déstabilisation ou malédiction de l’or noir que pourrait générer la perpétuation de la mal gouvernance dans un contexte de production de pétrole et de renforcement de l’exploitation du gaz et des ressources minières.

L’éducation sociale, morale et civique1 adaptée (ESMCA) et des « opérations de conscientisation adaptées » par la prise en compte des prescriptions coraniques et bibliques d’ordre éthique et les « valeurs culturelles fondamentales » du peuple sénégalais portées aussi par les adeptes de la religion « négro africaine » devront être l’épine dorsale de ladite « Stratégie nationale ». Cependant pour être efficace, cette éducation et ces opérations de conscientisation devront être impérativement soutenues par une adéquate  « éducation pratique » dispensée au travers de la manière d’être et de faire des leaders.

En effet, la vertu de l’exemple est primordiale pour toute transformation des esprits et des cœurs des sénégalais, pour tout changement de mentalité, pour une vraie rupture dans le mode de gouvernance des affaires publiques et pour la fin de la corruption des rapports sociaux. Quelle que soit la qualité du contenu de l’éducation sociale, morale et civique adaptée et les compétences des éducateurs,  cette éducation des jeunes et cette conscientisation des adultes ne pourront pas être efficaces et «l’éclosion du Sénégalais nouveau» ne pourra pas être une réalité, si la société continue de fournir, à grande échelle, des exemples de leaders (gouvernants, dirigeants, parents, politiciens et guides religieux) seulement mus par leurs intérêts personnels et peu soucieux de la bonne gestion de l’environnement et des biens matériels et immatériels que nous avons en commun ; des leaders dont les comportements sont trop marqués par les vices et les défauts dont la haine est théoriquement inculquée à la jeunesse et aux adultes sous leur  autorité.

Le développement de cette « Stratégie nationale de sortie de la crise morale » relève de la souveraine décision du Président de la République, seul capable d’impliquer les autres hauts responsables au service de l’État afin que ces derniers puissent mobiliser toutes les énergies pour l’avènement du changement d’ordre éthique dans toutes les activités relatives au fonctionnement des institutions de la République.

Cependant compte tenu de la longue inertie face à la perpétuation de la crise morale, malgré des promesses de changement d’ordre éthique dans le mode de gouvernance des affaires publiques qui ont été faites par les deux Chefs de l’État qui se sont succédé depuis 2000 et l’importance de l’éducation pratique qui est à la charge des leaders, une résistance au changement, de leur part, doit être objectivement attendue.

C’est pourquoi, une conscientisation transformatrice en direction des leaders étatiques s’avère indispensable afin que le Président de la République et les autres hauts responsables changent de mentalité et fassent de la sortie du pays de la crise morale la première des priorités et s’engagent dans le développement de ladite « Stratégie nationale ». Cette conscientisation des leaders étatiques est d’autant plus indispensable que la mal gouvernance est si profondément ancrée qu’elle a fini par devenir une « destructrice d’intégrité, de probité morale et de bonnes ambitions » dont ont été victimes tous les Présidents de la République et les autres hauts responsables au service de l’État qui ne sont pas des patriotes incorruptibles et des croyants dotés de la foi véridique.

Ce sont donc les efforts individuels des leaders étatiques commandés par le sens des responsabilités dans la conduite du peuple qui devraient être induits par l’autoévaluation de leur éthique personnelle et une profonde sensibilisation, conduite par des citoyens d’une probité morale et d’une sagesse avérées, avec un solide argumentaire, pourront purifier les cœurs des gouvernants et des autres hauts commis de l’État, leur faire prendre conscience de leur « égarement » en tant que croyants et cultiver en eux la volonté d’acquérir de changer de mentalité2 et de s’engager dans la quête de la «sagesse totale »3 et la conduite des indispensables transformations d’ordre éthique.

L’avènement du « Meilleur Sénégal Possible » repose indiscutablement sur l’existence dans tous les secteurs de l’État et dans les différentes communautés d’une masse critique de leaders patriotes et membres incorruptibles du « Parti de Dieu », c’est-à-dire, ancrés irréversiblement dans le « droit chemin » en fondant leurs rapports avec les concitoyens et avec les personnes morales (État, Communauté d’appartenance et Organe employeur) sur l’amour, la vérité, la justice et l’équité. Cet article et tous ceux qui l’ont précédé et ceux qui suivront, constituent une modeste contribution à l’indispensable conscientisation contre « les résistances au changement » et pour le développement du sentiment patriotique et la minimisation des hypocrisies qui ont déjà fait l’objet d’un article.

NOTES :

1 :  L’éducation sociale, morale et civique est prévue par la loi N° 91-22 du 16 Février 1991 portant orientation de l’Education nationale modifiée par la loi N°2004-37 du 15 Décembre 2004

2 :   Dans un article autre intitulé « Pour un changement de mentalité des leaders étatiques » nous abordons la question de la conscientisation du Président de la Républiques et des autres hauts commis de l’État en vue du développement de cette Stratégie nationale de sortie de la crise morale.

3 :  La sagesse totale est définie comme l’acquisition de la « science du bien et du mal » ainsi que des sentiments d’amour, de solidarité, de fraternité, de justice, d’équité, de miséricorde, de bienveillance, de compassion, de bienfaisance, d’humanité, d’abnégation, d’aversion pour le mal et de honte de faillir à ses devoirs dans tous ses rapports avec les autres personnes physiques ou morales.

Colonel de Gendarmerie (retraité) Tabasky Diouf tabou@jogngirsenegal.sn

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