Non à la volonté de restriction des pouvoirs de nomination du Président

3 juin 2024 | 0 commentaires

Décidément, l’affectation du général Souleymane KANDE, en Inde, continue de soulever des vagues mais ouvre également une opportunité d’échange sur un sujet d’une importance capitale: la sécurité nationale.

Au lieu de participer à une polémique malsaine, il serait plus heureux que des spécialistes de la question partagent leurs convictions avec leurs pairs, dans un débat contradictoire, pour mieux éclairer la lanterne des profanes et surtout replacer les concepts dans leur contexte.

Dans ce domiaine, la réflexion du Colonel de gendarmerie (er) Doudou SALL a une portée stratégique mais peut etre discutée.

Dans un préambule à la publication de son propos sur le sujet , le Site Seneweb souligne que l’auteur estime que  » la décision est légale, mais elle ne conforte pas la rupture annoncée par les nouvelles autorités ». Il ajoute que cet officier « préconise la remise en cuase du caractére discrétionnaire de nomination du chef de l’Etat, aujourd’hui largement dominé par le critére de proximité et non par le critére de transparence, déquité et de mérite et que ce critére est à l’origine de graves dysfonctionnements dans la distribution de la sécurité ». Je ne partage pas cet avis, pour plusieurs raisons, sur cette problématique.

C’est le lieu de préciser le cadre dans lequel ce critére a été défini avant de le sortir de son contexte pour « remettre en cause le pouvoir discrétionnaire du Président de la République » comme annoncé par le Colonel Sall cité par Seneweb.

En effet, lors d’un séminaire organisé en Novembre 2019, regroupant les représentants de toutes les Forces Armées sénégalaises et portant sur la revalorisation des textes dans les Armées, plusieurs thématiques ont été visitées; entre autres l’accés au grade de général. Ce conclave que j’ai présidé, par délégation, au nom de l’Inspecteur général des forces armées( IGFA) et à titre d’Inspecteur des Armes et des Opérations et, adjoint de l’IGFA, avait vu la participation du Colonel SALL, DIRCEL et représentant du ministère des forces armées. Il a été un des grands artisans des travaux dont je vais faire l’économie de ne partager que la réorganisation des critéres d’accés au grade de général qui évoque « le critére de proximité », objet de mon propos ».

Dans les les Forces armées sénégalaise (FAS), le grade de général, outre les honneurs, la considération et des privilèges qu’il confère, fait de son titulaire un acteur et un interlocuteur  majeur dans la chaine de décision. 

Cependant ses critères d’accès, du point de vue des textes, basés sur l’ancienneté et sur la compétence par l’obtention de diplômes sont davantage dominés, dans la pratique, par le critère de confiance. Cela explique le sentiment d’incompréhension et d’injustice que les nominations à ce grade suscitent.

 A l’aune des nominations au grade de général, ce sentiment  a été souvent noté motivant  une proposition d’une réorganisation des critères d’accès à ce grade, à la demande du Président de la République d’alors Macky Sall, Chef suprême des armées.

L’analyse du contexte des FAS, une brève évaluation des critéres existants et des critères pouvant contribuer à la perspective du renforcement des droits et obligations du personnel (RDOP), dont le « critére de proximité », permettent de justifier cette recommandation et, le contexte général, historique et actuel des FAS est favorable à une réorganisation de ces critères d’accès au grade de général . 

Dans les FAS comme d’ailleurs pour toutes les organisations militaires, l’accès au grade de général est perçu par les candidats à cet avancement et par leurs proches comme un accomplissement. Même si les écarts de salaires et de pensions sont appréciables, il s’agit, moins d’une différence de conditions matérielles que d’une reconnaissance d’une communauté. Cela explique que le projet de créer le grade de colonel-major n’a pas rencontré l’adhésion de beaucoup de parties prenantes, même si cela devait comporter le relèvement de certains de leurs avantages au niveau de ceux de général de brigade.

Des critères d’équité et de justice pourraient être introduits pour répondre à cette demande de reconnaissance.

Contrairement aux armées de beaucoup de pays africains, les FAS ont toujours organisé l’accès au grade de général en faisant prévaloir la réglementation notamment le respect d’une durée bien définie dans le grade de colonel. Cependant, le contexte de la prépondérance de la menace de déstabilisation des institutions par des coups d’état après les indépendances expliquait la présence du critère de confiance du PR. Cette présence était cependant relativisée car elle était toujours accompagnée des critères d’ancienneté et de compétence par la formation et le diplôme.  Par contre, dans d’autres pays africains, le critère de confiance était dominant et était souvent basé sur la proximité familiale, ethnique, régionale, religieuse ou même politique.

Cela explique que les nominations ne suscitaient pas de réprobations généralisées.

 Dans le contexte actuel, les efforts pour faire prévaloir les critères d’ancienneté et de compétence sont avérés même si la présence du critère de confiance est toujours observable. Le critère de compétence par l’obtention de diplômes a été officiellement intégré dans notre dispositif réglementaire avec la signature  d’un décret sur l’avancement.

Ce même contexte pourrait justifier un rajeunissement dans la catégorie des généraux pour leur permettre d’occuper plusieurs fonctions dans ce grade avant d’être admis dans la deuxième section.

 Comme indiqué ci-dessus, trois critères dominent l’accès au grade de général. Il s’agit du critère d’ancienneté, de la compétence et de la confiance. Leur évaluation donne un aperçu de la nécessité de les compléter par un autre  critère : celui d’équité.

L’évaluation de ce critère d’ancienneté  fait ressortir son acceptation, de manière générale, par le personnel, comme un critère positivement discriminant, puisque consacrant l’antériorité et l’expérience comme des indicateurs de performance. La culture militaire sacralise ce mécanisme. Il est mis en œuvre pour tous les grades même si les textes le relativisent pour l’avancement à partir du grade de lieutenant-colonel qui se fait exclusivement au choix.

Cependant, même si la durée réglementaire dans le grade de colonel est toujours respectée, son évaluation permet de constater qu’il est de moins en moins privilégié. Il perd en effet, du terrain par rapport aux critères de compétence et de confiance. Cela explique en grande partie la réprobation qui accompagne certaines nominations.

Pris individuellement sans être accompagné du critère de compétence, le critère d’ancienneté ne bénéficie pas de toute la légitimité requise. Cela explique l’importance du critère de compétence dans les FAS.  Cette approche est à saluer puisqu’elle participe de ce qui a conféré aux FAS, leur caractère républicain.

Cependant, son évaluation permet de comprendre que du point des textes, l’acquisition de la compétence peut être constatée par l’obtention du diplôme de l’école de guerre et de ses équivalents. Le risque, à ce niveau, est, dans la pratique, une approche inclusive qui ne prendrait en compte que ce diplôme. Les FAS sont une organisation complexe qui pour réaliser ses missions, met en œuvre plusieurs compétences, ne pouvant pas être mesurées par une seule spécialité, même si celle-ci représente le cœur de métier   

Aussi, ce critère, conjugué avec celui de l’ancienneté bénéficie d’une large base de légitimité et ne suscite généralement pas de réprobation généralisée.

 Beaucoup expliquent le non-respect, pour certaines nominations de deux critères ci-dessus par la mise en œuvre du critère de confiance qui est une prérogative constitutionnelle du PR. 

Il est à noter que ce critère, au Sénégal, n’est jamais utilisé isolément. Il est souvent accompagné de l’un ou des deux autres critères. Cela relativise la connotation négative qui accompagne les nominations sur la base de ce critère.

L’absence d’adhésion du personnel à ce critère est surtout expliquée par l’influence d’un indicateur qui rompt avec l’équité des positions. Il s’agit de la proximité.  En effet, la nomination au grade de général est constatée quand l’occupation de certaines positions de proximité confère la certitude, de se voir promu. Il comporte ainsi, des risques majeurs de dysfonctionnement. Nous en avons dénombré trois :

  • Le premier risque est que ; même si au Sénégal, cette proximité n’est pas directement familiale, ni ethnique, ni religieuse, ni politique comme dans certains pays d’Afrique, il n’en demeure pas moins qu’indirectement, le critère de confiance reste exposé à des dérives liées à la proximité.
  • Le deuxième risque est une conséquence du premier. Il est, en effet, avéré que la nomination systématique de proches collaborateurs occupant certains postes, suscite un mouvement constant de la périphérie vers le centre, sapant ainsi les fondements mêmes de la construction des FAS, basée sur une approche nationale. Il favorise également par des manœuvres, par du lobbying et par des interventions, une bataille de positionnement pour se retrouver dans la proximité des autorités de répartition des ressources convoitées.  
  • Le troisième risque est dû à l’incapacité du critère de confiance à prendre en charge les nominations en dehors des organisations de petite taille. Aussi, sa duplication quand l’organisation grandit à des niveaux inférieurs à celui de l’institution présidentielle qui détient cette prérogative   constitutionnelle, peut être constatée.  En effet, avec l’augmentation du nombre de généraux, le critère de confiance est utilisé pour les propositions de nominations.  Cela est d’autant plus justifié qu’ils considèrent, pour la conduite des FAS, dont ils ont la responsabilité exclusive, le choix de leurs collaborateurs peut être basé sur la confiance. A ce niveau, l’introduction de programmes de performance et leur évaluation par des organes externes pourrait aider à diminuer cette compréhension.    

En tout état de cause, il convient de dire que le critére de proximité est réel mais il ne doit pas être prépondérant dans la gamme des des détrminants de choix pour l’accés au grade supérieur. 

Toutefois, il ne s’agit pas de remettre en cause les pratiques actuelles mais de les améliorer en évitant de vouloir restreindre les pouvoirs disctrétionnaires de l’autorité en la matière. Le Colonel SALL en est conscient pour avoir été membre influent lors des travaux dont j’ai partagé une partie des conclusions.

Colonel(er) Cheikh Tidiane MBODJI
Président Commission Sécurité Coalition Diomaye Président
Président Alliance And Suxali sunu rew (ASSURe) Membre Jog Ngir Senegal

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