Dans un article intitulé « Des attentes et des recommandations patriotiques » publié le 23 avril 2025, nous avons affirmé que : « Pour que les principes du « Jub, Jubaal et Jubbanti » puissent être épousés par les agents de l’État dans leur écrasante majorité ; pour qu’ils puissent en faire le vecteur directeur de leur vie, il faudrait que des mesures concrètes soient prises pour les amener à changer leur mentalité. Et pour cela, l’État devrait développer une « Stratégie » qui reposerait principalement sur l’éducation et la conscientisation ; l’amélioration des lois et règlements ; la mise en place d’un système de contrôle efficace, parce que formateur, préventif, dissuasif, répressif et émulateur, et l’instauration généralisée d’un « culte du travail, de l’honneur, de l’excellence et du mérite » soutenu notamment par une générosité dans les récompenses, une fermeté dans les sanctions négatives (administratives, disciplinaires et pénales) et des éducations morales adaptées aux valeurs culturelles fondamentales du Peuple sénégalais qui a constitutionnellement consacré sa religiosité. »
Pour que les principes du « Jub, Jubaal et Jubbanti » puissent imprégner tous les actes des serviteurs de l’État ou pour que la bonne gouvernance soit une réalité avec le respect des principes et règles de l’État de droit, de la démocratie, des droits de l’homme, de la sacralité des ressources appartenant au Peuple et de la transparence dans la gestion des affaires publiques, il y a donc des mesures que les Pouvoirs législatif, exécutif et judiciaire devraient prendre, au mieux dans le cadre d’une « Stratégie nationale de sortie de la crise morale », ou plus spécifiquement une « Stratégie nationale de lutte contre la mal gouvernance » qui, dans son opérationnalisation, mettrait en exergue des activités relevant de la responsabilité des leaders dans différents domaines qui fondent l’efficacité et la vertuosité de la gestion des affaires publiques.
Dans cet article nous voulons évoquer la mise en place du « système de contrôle efficace » susmentionné. Ceci nous semble être d’une extrême urgence, car si nous voulons assurer le respect de la sacralité des ressources appartenant au peuple, rendre effectives les indispensables ruptures dans la gestion des ressources de l’État, « deñu wara fat buntu yi yeep, be sac wala lubal alalu askan wi dotul yomb », pour dire que nous devons combler toutes les failles (législatives et règlementaires) des systèmes de contrôle existants, en mettre en place là où il n’y en a pas, et fermer toutes les portes par lesquelles les cupides passent pour commettre leurs méfaits qui causent de lourds préjudices à l’État et aux populations (victimes collatérales), de telle sorte qu’il ne soit plus facile de voler ou de détourner les ressources appartenant au Peuple.
Il sera articulé autour des points suivants : « Généralités, but et objectifs du contrôle (I.) ; Causes des insuffisances du contrôle » (II.) et Organisation des systèmes de contrôle (III.).
I. GÉNERALITÉS, BUT ET OBJECTIFS DU CONTRÔLE
I.1. Généralités
Assurément, il ne peut y avoir de bonne gouvernance, de gestion vertueuse des ressources publiques sans l’existence à tous les niveaux et pour tous les Organismes étatiques (sans exception), un système de surveillance, de contrôle, de régulation et d’inspection efficace, parce que préventif, dissuasif, répressif, formateur et émulateur. Pour paraphraser une autorité française qui avait dit que « La Gendarmerie n’est vertueuse que par le contrôle qu’elle s’impose », nous affirmons que « Tout Organisme étatique, n’est vertueux que par le contrôle interne qu’il s’impose et par le contrôle externe auquel il est soumis ».
Dans la suite de l’article, nous regroupons tous les vocables « surveillance », « contrôle », « inspection », « audit », « vérification des comptes (deniers et matières) » sous le terme « contrôle » et affirmons que « le contrôle est un acte indissociable de l’exercice de toute autorité (gouvernance, commandement, direction ou administration).
Le contrôle doit notamment permettre de découvrir les infractions aux lois, règlements et procédures et prendre des mesures pour les améliorer ; identifier les besoins en formation en fonction des insuffisances constatées en vue du renforcement de la capacité des inspectés ; tirer des bonnes et mauvaises pratiques des leçons à partager pour améliorer le savoir-faire des agents ainsi que les performances individuelles et collectives ; et sanctionner positivement et négativement pour redresser la conduite de l’agent fautif, dissuader les autres, encourager ceux qui ont une excellente manière de servir ou sont auteurs d’accomplissements extraordinaires, et créer l’émulation dans le cadre d’un « culte du travail, de l’honneur, de l’excellence et du mérite » qui doit d’ailleurs être institué au sein de tous les Organismes étatiques.
Au demeurant, le but ou l’importance du « contrôle permanent de l’administration » et les objectifs du contrôle » ont été clairement mis en exergue dans une Communication du Président de la République Abdou Diouf au conseil des ministres du 18 octobre 1994. Nous partageons ci-dessous des extraits de cette importante Communication qui a été transmise à tous les grands services de l’État dont la Gendarmerie nationale.
I.2. Le but du contrôle
« Le contrôle permanent de l’Administration est important, capital même, pour trois séries de raisons.
D’abord le contrôle est nécessaire si l’on veut conserver une Administration performante ; le suivi permanent du travail des agents de l’État est une garantie de son efficacité. Il permet de créer une certaine émulation, de récompenser ceux qui sont méritants. Il permet aussi de débusquer et de sanctionner, en les relevant de leurs fonctions, notamment, ceux qui n’exercent pas leur mission, conformément aux prescriptions (…).
Le contrôle est ensuite nécessaire pour préserver les ressources de l’État et veiller à leur judicieuse utilisation. (…).
Le contrôle de l’administration est nécessaire, enfin, car il permet de faire des évaluations périodiques. »
I.3. Les objectifs du contrôle
« La mise en œuvre du contrôle de l’administration doit permettre d’atteindre quatre (04) objectifs.
Le contrôle doit d’abord permettre de procéder à une vérification de la conformité des actes et des procédures utilisés, aux lois, décrets, circulaires et autres instructions présidentielles, primatoriales ou ministérielles. Ainsi peuvent apparaître des violations des règlements, mais aussi des abus de pouvoirs etc…
Le contrôle doit ensuite, permettre d’effectuer une vérification financière de l’administration ; voir si la comptabilité est juste et conforme à la réglementation ; si les ressources mises à la disposition de l’administration sont utilisées de façon optimale. Ce contrôle met en évidence les détournements, gaspillages et autres délits financiers répréhensibles, (…).
Le contrôle doit, en outre, permettre de juger de l’opportunité des mesures prises par l’administration pour mettre en œuvre les politiques définies au préalable.
Le contrôle doit également servir de support pédagogique aux agents de l’État qui sont chargés de faire fonctionner l’administration. En effet certaines fautes de gestion ; certaines erreurs administratives, sont dues, plus à l’ignorance des procédures administratives et financières qu’à la malhonnêteté des agents. Le contrôle doit permettre aux personnes vérifiées d’apprendre, pour améliorer ensuite leur façon de servir l’État. C’est là un des aspects fondamentaux du contrôle.
Enfin, le contrôle doit servir à sanctionner les agents de l’État, négativement, quand ils ont commis des fautes, mais aussi, positivement, lorsque leur comportement est exemplaire. Il ne faut pas penser en effet que le contrôle n’est qu’un instrument de répression. Le contrôle ne devient négatif que lorsque l’attitude préalable des agents de l’État l’a été ».
II. CAUSES DES INSUFFISANCES DU CONTRÔLE.
Il y a sans aucun doute, de nombreux vides réglementaires ; des conseils d’administration et des conseils de surveillance à la solde de Directeurs généraux (DG) pouvant alors tout se permettre ; des carences structurelles (Organes de contrôle interne est externes non activés), et des insuffisances fonctionnelles avec des organes de contrôle interne ou externe qui ne font que ce que le ministre ou le responsable du grand service de l’État les ayant sous sa subordination veut. Ces vides réglementaires, ces inféodations aux DG, ces carences structurelles et ces insuffisances fonctionnelles sont des portes ouvertes pour les cupides qui voulant profiter de toutes les situations peuvent user de combines et de magouilles pour s’enrichir illicitement et en faire de même pour leurs alliés.
C’est ainsi que chacun des deux régimes, qui se sont succédé entre 2000 et 2024, a créé ses nouveaux riches à une vitesse exponentielle parmi les gouvernants, les nouveaux directeurs généraux et leurs propres entrepreneurs inexpérimentés qui bénéficiaient injustement d’une trop importante partie de la commande publique avec un usage abusif des marchés par entente directe, alors que, sous tous les régimes, des fonctionnaires véreux profitaient de toutes les failles des systèmes de contrôle et de comptabilité pour amasser des fortunes indignes de simples serviteurs de l’État. C’est pour cela que « Fat buntu yi yeep » (fermer toutes les portes ou combler les failles) est une urgente obligation patriotique pour les actuels décideurs.
Au-delà de ses déficiences organisationnelles et fonctionnelles, les insuffisances du contrôle ont principalement des causes humaines. En effet, en matière de vertuosité ou d’intégrité, les organismes étatiques sont à l’image de ceux qui les dirigent. Elles sont vertueuses si ceux qui sont titularisés à leur tête et leurs subordonnés directs sont vertueux. Quand le leader cupide désire s’enrichir illicitement en foulant au pied la sacralité des ressources mises à la disposition de l’Organisme qu’il a l’honneur de servir, il considère l’Organisme comme sa propriété et est naturellement laxiste dans la transparence et le contrôle qui lui incombe. Il finit par perdre sa liberté de sanctionner des fautes moins graves que celles qu’il commet ou fait commettre. Ces subordonnés parfaitement informés de ses turpitudes, antinomiques avec une gestion sobre et vertueuse des ressources, pourront alors « profiter de toutes les situations »1 pour s’enrichir illicitement.
A l’occasion des contrôles, les violations des lois et règlements, les abus de pouvoir, les détournements, les gaspillages et les délits financiers répréhensibles qui sont constatés doivent donc induire systématiquement des sanctions administratives, disciplinaires et / ou pénales appropriées. En effet, quand les malversations découvertes ne sont pas sanctionnées à la hauteur des dommages causés, les agents finissent par ne plus prendre au sérieux les contrôles, et un sentiment d’impunité qui encourage d’autres agents à « profiter de toutes les situations » se développe. En fait, un chef qui se prive de punir comme il faut des fautes, court le risque de devenir la victime de sa clémence.
La pire des situations se produit quand le leader véreux accorde certaines faveurs aux coupables de malversations ou ne tient pas compte de leurs méfaits dans leur avancement, responsabilisation ou nomination, encourageant ainsi la médiocrité et la cupidité. C’est ce phénomène que nous avons vécu avec celui qui a été à la tête du pays de 2012 à 2024 (ex-PR) et qui assurait la promotion de ministres et de directeurs épinglés par les Corps de contrôle2. Une telle attitude du leader est une prime à la mauvaise gestion et n’encourage sûrement pas ceux qui se battent contre eux-mêmes (« xeex ak seen baakan ») pour ne pas succomber aux nombreuses tentations qui jalonnent naturellement la vie des leaders et des gestionnaires. C’est ainsi que sous sa présidence « l’enrichissement illicite, le « giiros », la corruption sous toutes ses formes, l’absence de l’amour de la nation » (feu le Juge Kéba Mbaye) se sont répandus dans tous les Organismes étatiques qui ont actuellement besoin de « Jubbanti ».
Par ailleurs, il importe de retenir qu’un leader peut être au départ vertueux, mais par manque de vigilance, il peut être neutralisé dans son devoir de contrôle par quelques-uns de ses subordonnés véreux intervenant dans l’administration des différentes ressources (Directeurs de l’Administration générale et de l’équipement, gestionnaires de matériels, …). Ces derniers y arrivent en réalisant au profit du leader des matériels ou en lui remettant carrément d’importantes sommes d’argent en dehors de ses droits réels, au détriment de l’Organisme, et face à la résistance du leader, certains parmi ces « suppôts de Satan » n’hésitent pas à corrompre l’époux ou les épouses du leader par des cadeaux empoisonnés.
En plus de ces causes humaines liées à la personnalité de celui qui a l’honneur d’être à la tête de l’Organisme, il y a la personnalité des contrôleurs qui peut être une entrave à l’efficacité du contrôle s’ils sont corruptibles par des leaders ou des gestionnaires véreux. Cette entrave est beaucoup plus dommageable si les contrôleurs n’ont pas une indépendance suffisante ou quand la suite de leur carrière est intimement liée à l’avis du titularisé à la tête de l’Organisme dont le contrôle interne ou externe leur incombe.
III. ORGANISATION DES SYSTÈMES DE CONTROLE
Comme indiqué plus haut, « il ne peut y avoir de bonne gouvernance, de gestion vertueuse des ressources publiques sans l’existence à tous les niveaux et pour tous les Organismes étatiques (sans exception), un système de surveillance, de contrôle, de régulation et d’inspection efficace parce que « préventif, dissuasif, répressif, formateur et émulateur ». A cet effet nous recommandons la prise des mesures suivantes :
1. Améliorer la réglementation relative à l’exécution du budget, à l’administration des crédits, à la comptabilité des deniers et des matières garantissant la transparence, la traçabilité, la redevabilité et la tenue des statistiques.
2. Renforcer l’autonomie et l’efficacité des organes de contrôle du 1e niveau ou niveau national (Inspection générale d’État / IGE, Cour des comptes / CdC, Office national de lutte contre la fraude et la corruption / OFNAC, Autorité de régulation de la Commande publique /ARCOP, Cellule nationale de traitement d’informations financières / CENTIF) en mettant rigoureusement en œuvre les propositions qui ont été faites par la Commission nationale de Réforme des Institutions (CNRI). Veiller à ce qu’ils « encadrent l’action publique, y compris les services rattachés à la Présidence de la République et à la Primature et qu’ils jouent leur rôle de manière transparente ». Les doter du pouvoir de saisine du Doyen des Juges d’instruction en cas d’inaction du Procureur de la République dans un court délai qui serait arrêté.
3. Instituer une « Délégation générale pour l’éthique et la bonne gouvernance » qui serait notamment chargé de « Créer une synergie entre les Corps de contrôle nationaux et ministériels ; Contribuer au bon suivi de l’exécution des recommandations de ces Corps de contrôle dans le cadre de la lutte contre l’impunité ; Participer en rapport avec les Corps de contrôle à l’identification des failles pour l’adaptation continue des lois, règlements et procédures. Cette Délégation rattaché directement au Président de la République (PR) serait destinataire de tous les rapports de contrôle établis par les corps de contrôle nationaux et ministériels, y compris les rapports particuliers destinés exclusivement au PR qui les lui transmettrait, le Délégué général étant son principal conseiller quant à la suite à leur donner.
4. Activer ou redynamiser des organes de contrôle au niveau des ministères et Organes assimilés (2e niveau), des directions générales des ministères, des Hauts commandements des Forces de défense et de sécurité et des agences et services assimilés (3e niveau) pour suppléer le faible taux de couverture annuelle de l’ensemble des organes étatiques par les Corps de contrôle du 1e niveau (Inspection Général d’État / IGE, Cour des comptes / CdC, Office national de lutte contre la fraude et la corruption / OFNAC et Contrôle financier / CF). Chaque Organisme étatique effectuant des dépenses publiques devrait être soumis à au moins un contrôle externe, une fois par an.
5. Veiller donc à ce que tous les services étatiques, y compris évidemment, les administrations rattachées à la Présidence de la République, à la Primature et aux différents ministères, l’Assemblée nationale, le Conseil constitutionnel, la Cour suprême, la Cour des Comptes et les Cours et Tribunaux et toutes les autres Institutions existantes ou qui seront créées dispose d’un système de contrôle interne et n’échappe pas à un contrôle externe annuel. Pour chacune des Institutions expressément prévues par la Constitution, l’Organe qui sera chargé de l’indispensable contrôle externe devra être précisé et au besoin, il y aura lieu de légiférer à cet effet.
6. Assurer une large indépendance aux organes de contrôle des 2e et 3e niveaux en établissant un lien de subordination technique avec l’organe de contrôle du niveau supérieur qui recevrait systématiquement leurs rapports sans que le ministre, l’autorité de commandement ou de direction ne puisse les bloquer. Cette autorité ne pourrait que donner son avis sur ces rapports. Les organes du 1e niveau seraient donc techniquement subordonnés à ceux du 2e niveau, qui à leur tour seraient sous la subordination technique de l’Inspection Générale d’État (IGE). Ceci permettrait à chaque gouvernant d’être bien informé sur l’effectivité du contrôle interne au sein des structures qui lui sont rattachées.
En fonction de la nature de l’affaire rapportée par un Organe de contrôle ministériel, l’IGE pourrait transmettre le rapport à un autre organe de contrôle du même niveau (OFNAC, CdC, ARCOP, CENTIF, …) qui serait le mieux indiqué pour le suivi ou la continuation des investigations et en informer l’organe initiateur.
Un organe pourra aussi demander à l’organe de niveau inférieur de conduire une enquête sur des allégations portées à sa connaissance en fonction de son appréciation des faits dénoncés et lui faire parvenir un rapport.
7. Veiller à avoir des ministres, qui du fait de leur probité morale pourront garder leur indépendance par rapport aux autorités de commandement et de direction qui leur sont subordonnées afin de pouvoir faire exercer sans faiblesse le contrôle externe qui est de leur ressort.
8. Nommer des hauts fonctionnaires, des contrôleurs généraux de police et des Officiers généraux à la tête des organes de contrôle des ministères et des grands services de l’État afin qu’ils aient suffisamment d’indépendance et d’autorité pour faire leur travail correctement. Les doter de ressources humaines et financières adéquates et veiller à y nommer des agents incorruptibles, à qui des indemnités de responsabilité seraient accordées. Instituer ces Organes de contrôle par décret (1e et 2e niveau) en les prévoyant dans les décrets portant organisation des ministères et des grands services de l’État.
9. En vue de l’activation et de la redynamisation susmentionnées, faire l’audit des systèmes de contrôle interne et externe et de tous les systèmes de comptabilité des crédits budgétaires, des ressources extrabudgétaires, des deniers et des matières au niveau de la Présidence, de la Primature, des ministères et des grands services de l’État. Ce travail qui devrait être effectué rapidement pourrait être confié à des équipes de l’IGE et de la CdC renforcées éventuellement par des auditeurs contractuels ou des fonctionnaires civils et militaires ayant les compétences requises pour une durée qui ne dépasserait pas trois (3) mois.
Pour tous les organismes, les irrégularités ou les malversations qui ont été éventuellement relevées dans des rapports de contrôle antérieurs et les résultats de ces audits fourniraient les informations indispensables à l’amélioration des cadres légaux et réglementaires des systèmes de contrôle et de comptabilité.
10. Améliorer les procédures de contrôle interne sur pièces et sur place au niveau de tous les Organismes étatiques. Ceci permettrait d’ailleurs aux contrôleurs externes de pouvoir apprécier la qualité du contrôle interne en vue d’engager éventuellement la responsabilité des leaders en cas de découverte de malversations. En effet, il y aurait lieu de systématiser l’application du « principe de responsabilité du leader » (gouvernant, commandant ou dirigeant) qui commande qu’au cours d’une enquête relative à une malversation ou à une méconduite, le leader soit invité à présenter le système de contrôle interne mis en place, les actes qu’il a posés pour le respect des lois, des règlements et des procédures et les mesures qu’il a prises pour prévenir le type de malfaisance constatée. Autrement dit, il s’agira de déterminer si c’est sa négligence ou sa complicité qui a rendu possible la malversation ou si, en étant informé, il a pris les mesures qu’il faut et n’a pas essayé de couvrir les fautifs.
11. Permettre aux organes de 2e et3e niveaux de recevoir directement les dénonciations et les plaintes et avoir le droit et le devoir de s’autosaisir dès qu’ils ont connaissance par tous les moyens d’allégations ou d’informations relatives à des atteintes aux droits de l’homme, à des faits de corruption ou à d’autres malversations et doter les organes de 3e niveau des grands services étatiques dans lesquels la corruption et les atteintes aux droits de l’homme sont plus prégnantes d’instruments efficaces de réception des dénonciations et des plaintes (numéros verts et adresses électroniques).
Les Forces de police (Gendarmerie nationale et Police nationale) et le service des Douanes ayant été identifiés comme tels dans un rapport de 2016 de l’OFNAC et des allégations de détournement de saisies, dont de la drogue ayant été formulées, il importe que des mesures de contrôle spécial soient prises, pour une meilleure gestion de toutes les saisies, dans leurs locaux, dans ceux de l’Office central de la répression du trafic illicite de stupéfiants (OCRTIS) et dans les greffes des tribunaux.
12. S’agissant du contrôle du respect des droits de l’homme dans l’exercice des activités policières, il importe que dans le cadre de l’indépendance de la Justice qui est une préoccupation des acteurs de la Justice et des citoyens, que l’indépendance de la Direction de la Justice militaire (DJM), qui doit jouer un rôle plus important pour tous les Corps militaires et paramilitaires dont les personnels sont justiciables devant les tribunaux ordinaires à formation spéciale, soit enfin assurée, et que des mesures soient prises pour que, sous la direction des Procureurs de la République, les lieux de garde à vue et de détention soient régulièrement visités de manière inopinée pour lutter contre les détentions abusives et pour veiller au respect des droits des personnes arrêtées3. Évaluer la réglementation, relative à la conservation, au suivi, au contrôle et à l’aliénation des saisies opérées, afin de pouvoir l’améliorer, est aussi un impératif.
13 Dans certains pays, les Forces de Police disposent d’organes d’inspection propres, assurant le contrôle externe et dont l’indépendance est surtout consacrée par leur rattachement direct au ministère de tutelle. L’adoption d’une telle pratique associée au point 8 (nominations) et à l’indépendance de la DJM contribuerait très certainement à des gestions plus vertueuses des ressources, à un meilleur respect des droits de l’homme et à une baisse de la corruption dans l’exécution des activités opérationnelles.
14. Le Président de la République devrait, de manière inconditionnelle apporter son soutien aux contrôleurs dans l’exercice de leurs missions afin que personne ne s’arroge le droit de porter atteinte à leur autorité comme l’avait fait M Moustapha Diop, alors « Ministre délégué auprès du Ministre de la Femme, de la Famille et de l’Enfance, chargé de la Microfinance et de l’Economie solidaire », qui avait éconduit les vérificateurs de la Cour des comptes pour s’opposer à l’audit du Fonds national de promotion de l’entrepreneuriat féminin qui était sous sa tutelle.
Telles sont les recommandations patriotiques que nous formulons en réaffirmant que « Tout Organisme étatique, n’est vertueux que par le contrôle interne qu’il s’impose et par le contrôle externe auquel il est soumis ». Autrement dit le niveau de corruption et l’importance des malversations et des atteintes aux droits de l’homme dans un État, sont fonction de l’exemplarité et de la rigueur des leaders, ainsi que de la qualité de ses systèmes de contrôle et de comptabilité qui doivent être préventifs, répressifs, dissuasifs, formateurs et émulateurs.
NOTES :
1: « Profiter de toutes les situations ». Tiré de la réponse, malheureuse mais révélatrice, que l’ex-PR avait donné à un journaliste dans une interview paru dans le journal trimestriel « Pouvoirs d’Afrique » de Novembre 2014 à Janvier 2015. Question « A l’inverse, la faute pour laquelle vous avez de l’indulgence ?». Réponse in extenso : « Je peux pardonner la faiblesse de ceux à qui il arrive de profiter des situations. Leur cupidité ou leur incapacité à résister à la tentation les amène à mentir et à trahir la confiance. Cela, je peux le pardonner… »
2 : M. Cheikh Oumar Hann, Directeur du COUD, nommé Ministre de l’enseignement supérieur malgré les recommandations de l’OFNAC ; M. Moustapha Diop, Ministre délégué auprès du Ministre de la Femme, de la Famille et de l’Enfance, chargé de la Microfinance et de l’Economie solidaire, nommé ministre plein après avoir interdit aux vérificateur de la Cour des comptes de faire l’audit du Fonds national de promotion de l’entrepreneuriat féminin qui était sous sa tutelle : M. Mamadou Mamour Diallo promu Directeur Général de l’Office national de l’Assainissement du Sénégal (ONAS) après la publication du Rapport d’activités de 2019 de l’OFNAC qui avait confirmé son implication délictuel dans l’affaire des 94 milliards, et M. El Hadj Seck Ndiaye Wade, Directeur des Transports terrestres (service des mines) de Louga, qui a été sorti de prison après son inculpation et placement sous mandat de dépôt dans une affaire de corruption pour être nommé Président du conseil d’administration du Fonds d’entretien routier autonome (FERA).
3 : Ce mécanisme conduit par les Procureurs de la République sous la direction desquels la police judiciaire est exercée (article 12 du Code de procédure pénale) n’est pas antinomique avec le travail que fait l’Observatoire National des lieux de privation de liberté (ONLPL).
Dakar, le 09 juin 2025
Colonel (er) de Gendarmerie Tabasky DIOUF
Grand Officier de l’Ordre national du Lion et Commandeur de l’Ordre du mérite
Membre fondateur de l’Initiative citoyenne Jog ngir Senegaal.
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